Chien Errant : En suspens

Trigger Warning : Suicide


Il était assis là, sur le rebord de la baignoire, me surplombant, un cigare à la main et son cran d’arrêt posé à coté de lui. Il portait un vieux treillis et un t-shirt au nom d’un obscur groupe de musique. Ils avaient connu des jours meilleurs. Lorsqu’il portait le cigare à sa bouche, je ne pouvais me détourner de son œil droit. On aurait pu penser qu’une panthère avait tenté de le lui arracher. C’était peut-être vrai, je ne voulais pas savoir. Il était totalement blanc et je me demandais s’il y voyait quelque chose. Ses cheveux étaient noirs, coiffés en iroquoise et pris en tenaille entre ses deux longues cornes. Ou plutôt sa longue corne, celle de droite étant cassée. Tout en restant assis, il posa une de ses bottes sur le bord de la baignoire et se servi de son genou comme d’un accoudoir. Il souffla sa fumée pensivement.

« Dans un monde parfait, il n’y aurait plus tout ces politiciens corrompus, toutes ces corporations inhumaines, cette pauvreté omniprésente, ces guerres incessantes… Tous et toutes vivraient en harmonie, seraient unies. Plus de crime, ni de prison. »

Il se tourna vers moi.

« — Mais on sait tout deux que ce monde est impossible, Re-

— Astrid coupais-je.

— C’est ça, Astrid si tu veux. Toujours est-il que ce monde, notre monde, est pourri jusqu’à la moelle. Et tant que tu ne me laissera pas faire… »

Il me fixait intensément, il me semblait sentir le poids de l’univers sur ma cage thoracique à présent. Je tentais d’articuler une réponse :

« — Je ne pense pas…

— C’est ça, dit-il en m’interrompant, tu ne pense pas. Remarque c’est pas comme si t’agissais beaucoup non plus il me semble, si ? Putain mais t’as des convictions ou pas tafiole ! » rugit-il en se levant d’un bond.

Un silence de plomb suivi. Son expression changeât et il détourna le regard.

« Écoute, je… Je suis désolé… Fais ce que tu veux. J’en ai marre d’aller systématiquement contre tes idées. Marre de me battre contre toi. »

Il écrasât son cigare à coté de son couteau et se retourna.

« Alors, vas-y, dit-il en me tournant le dos. Libère-nous. »

Il sorti alors sans me laisser le temps de répondre, me laissant seul·e dans ma baignoire. Comme le Christ dans son Graal.


Le 27 Thermidor 227.

Scithal

Dans mon intériorité, il s’est retiré.

Après toutes ces années, il s’est éclipsé.

Cherche-t-il sa survie, cherche-t-il son oubli ?

Comment continuer, comment faire sans lui ?

Sa simple existence, n’apporte que souffrance.

Il m’a brisæ, détruite, et laissæ en errance

Tant de fois, et pourtant, il s’est interposé,

S’est battu contre ce monde et m’a protégæ.

Mais de haine, cependant, il est constitué.

Et la nuit, je sens, près de moi, son aura.


Le 26 Thermidor 227.